Nous avons eu le plaisir d’interviewer le nouveau Ministre de la Diaspora de la République d’Arménie, Mkhitar Hayrapetyan, et nous sommes heureux symboliquement d’être le premier média de la communauté arménienne de France à le faire.
Info Arménie : Monsieur le Ministre, il y a des États qui mettent en œuvre de différents projets sous la forme d’investissements matériels et physiques pour la préservation et le développement de l’identité de leurs compatriotes vivant à l’étranger. À cet égard, quels programmes l’Arménie va-t-elle entreprendre ?
Mkhitar Hayrapetyan :
Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour l’interview et notez que le rôle des médias de la diaspora dans les communautés arméniennes est fondamental dans la préservation et dans l’atmosphère de l’identité arménienne. Je suis très heureux que, outre les médias traditionnels d’aujourd’hui, il existe de nombreux sites Web dans la diaspora, les chaînes de radio Internet, les chaînes de télévision, et l’un d’eux est le votre.
En abordant la question, je ne peux que souligner que la préservation de l’identité arménienne dans la diaspora est l’une de nos priorités. Dès le début de mon mandat, j’ai souligné que le ministère de la diaspora devrait être à la disposition de tous les Arméniens de la diaspora, travailler avec eux avec une nouvelle qualité, une nouvelle idéologie.
C’est en maintenant un contact permanent et direct avec l’Arménie qu’il est possible de garder les liens et renforcer l’échange. Nous avons fait les premiers pas, convaincus que le processus de préservation de l’identité arménienne dans la diaspora, en particulier chez les jeunes, aurait été impossible sans dialogue et reconnaissance mutuelle.
Vous faites référence à l’expérience des pays qui réalisent des programmes qui nécessitent des investissements matériels et physiques pour leurs compatriotes vivant à l’étranger. Actuellement j’ai sur ma table les histoires des expériences réussies des pays avec de grandes diasporas, mais je pense que nous savons tous bien que dans notre cas aujourd’hui, il est un peu tôt pour en parler. En même temps, je vous assure que, comme la diaspora nous soutient depuis des années, nous devons assumer nos responsabilités et faire de même.
Les programmes visant à préserver l’identité arménienne et la conscience patriotique sont mis en œuvre par le ministère de la Diaspora en Arménie, rassemblant des centaines de jeunes. J’espère que vous savez que cet été, les programmes «Come Home» et «Diaspora Summer School» du ministère de la Diaspora ont rassemblé notre nouveau programme éducatif «Step into the Home».
Il s’adresse aux enfants et aux jeunes arméniens de la diaspora âgées de 13 à 21 ans et se tiendra du 10 au 24 août. Nous avons reçu environ 550 candidatures de 26 communautés arméniennes dans le monde. Je peux dire avec certitude que ces deux semaines vont beaucoup changer la vie des participants, en leur permettant de découvrir l’Arménie et ses habitants chaleureux et souriants, ainsi que de prouver que l’Arménie est un pays moderne où l’on peut vivre, apprendre et rêver.
En essayant d’aider certaines écoles de la diaspora arménienne, le ministère met également en œuvre un programme visant à fournir de la documentation pédagogique et d’autres matériels de formation aux écoles arméniennes, aux établissements d’enseignement et aux groupes linguistiques arméniens de la diaspora.
La liste des ouvrages didactiques et méthodologiques proposés est établie en fonction des besoins des écoles arméniennes de la diaspora.
Dans nos autres programmes, nous avons également élargi la composante de l’identité arménienne, en soulignant l’importance de la partie éducative. Mais le plus important, c’est que nous avons essayé de faire de notre mieux avec de l’amour et de sincérité afin d’obtenir de bons résultats.
(…) rester arménien où que nous soyons, pour garder l’Arménie dans nos esprits. La formule est très simple. – Mkhitar Hayrapetyan
Info Arménie : Les Arméniens vivant en France, qui ne parlent pas bien l’arménien, sont informés de l’actualité arménienne par le biais de certaines sources d’information franco-arméniennes. Néanmoins, pendant les jours de la révolution, il y a eu un manque d’information ici en France, et juste après l’élection de Nikol Pashinyan en tant que premier ministre, ils se sont précipités pour l’encourager. Pensez-vous qu’il y ait un besoin de créer dans la diaspora un organe qui mettrait en œuvre une révolution idéologique et présenterait le véritable intérêt de l’Arménie?
Mkhitar Hayrapetyan:
J’espère de tout cœur qu’un champ d’information pan-arménien sain et dynamique sera formé où les Arméniens du monde entier recevront des informations impartiales et opportunes sur les événements qui se déroulent en Arménie, en Artsakh et dans la diaspora. Malheureusement, parfois les individus sont marginalisés par les médias, et ce problème existe partout dans le monde.
Le domaine des médias est auto-organisé selon ses propres règles et, à cet égard, l’intervention est considérée comme une pression.
J’ai tendance à croire que seuls les informations éthiquement corrects créent une atmosphère saine de critique et deviennent vraiment le quatrième pouvoir. Bien sûr, non seulement dans la diaspora, mais aussi en Arménie, nous avons besoin d’une certaine révolution idéologique, mais pour cela il n’y a pas besoin d’une institution spécialisée, il est temps d’avancer avec de nouvelles approches et de nouvelles mesures.
Info Arménie : La lutte contre les abus en Arménie est la bienvenue, récemment l’affaire d’Ara Vardanyan, le fondateur et le directeur de « Հայաստան համահայկական հիմնադրամ » a fait un grand bruit en Arménie et dans la diaspora. Avez-vous le contrôle sur les structures arméniennes de la diaspora dans cette direction ou pensez-vous que les racines se trouvent seulement en Arménie ?
Mkhitar Hayrapetyan:
Je vous dirai qu’une seule chose sur ces événements.
Aucun haut fonctionnaire que ce soit moi ou Ara Vardanyan ou un tiers, n’a le droit de toucher un centimes appartenant à l’Etat et sera respectivement puni par la loi. La Nouvelle Arménie ne devrait tolérer aucune manifestation d’abus – quiconque abuse.
En ce qui concerne les organisations arméniennes de la diaspora, permettez-moi de dire que le ministère n’a pas le pouvoir de contrôle. Nous pouvons travailler en étroite collaboration, mettre en œuvre des programmes conjoints et nous soutenir les uns les autres. Dans la diaspora nous avons les structures les plus importantes, les fondations, qui ont été et restent les centres de préservation de l’identité arménienne et font un travail inoubliable.

Info Arménie : Monsieur le Ministre, on sait que beaucoup de nos compatriotes ne peuvent pas retourner en Arménie car ils ont été hors de leur berceau depuis l’enfance et n’ont pas rempli leur devoir civil, n’ont pas effectué leur service militaire. Jusqu’à présent, cette question a été résolue en payant une certaine somme d’argent à l’Etat. Est-ce que les normes ont changé après la révolution, et si oui, veuillez indiquer dans quelle direction.
Mkhitar Hayrapetyan:
C’est l’une des questions posées le plus fréquemment. Il faut noter que la question ne relève pas seulement de la compétence du ministère de la Diaspora. Nous pouvons faire part de nos préoccupations au ministère de la Défense et au gouvernement. Les changements législatifs impliquent un certain processus, des discussions à long terme entre les professionnels et la société civile.
Info Arménie: Monsieur le Ministre, A votre avis, quel est le rôle de la diaspora dans la construction de la Nouvelle Arménie, comment la Diaspora peut-elle être incorporée dans ce processus et quelles mesures envisagez-vous de prendre dans cette direction?
Mkhitar Hayrapetyan:
La diaspora s’est levée, s’est inclinée et a soutenu la révolution de l’amour et de la solidarité. C’était l’une des meilleures manifestations qui a fait preuve de notre unité. Je suis tellement heureux que le mouvement « My Step » est devenu une marque arménienne.
Et nous devons transformer cette vague d’enthousiasme universel en un produit. La possibilité de dialogue, de partenariat ouvert et honnête est une réalité et j’appelle tous nos compatriotes à ne pas hésiter de dialoguer avec nous. Nous sommes toujours prêts à écouter, à échanger des idées, à faire des démarches pratiques.
Le plan du gouvernement prévoit clairement que le nouveau gouvernement adopte une stratégie en regroupant sur le territoire de la République le potentiel humain, financier, économique, intellectuel en assurant la sécurité et le bon déroulement des choses. Le nouveau programme lancé qui est très ambitieux est intitulé « ներՈւԺ » (neruzh).
Le ministère de la diaspora met en œuvre ce programme avec les fondations FAST et IDEA, l’école internationale de Dilijan (UWC) et l’Impact Hub Yerevan. L’Université arméno-russe nous a récemment rejoint. Les jeunes arméniens âgés de 18 à 35 ans vivant en diaspora qui ont un « business idea » peuvent participer au programme. Les gagnants recevront jusqu’à 15 millions AMD de soutien. Le « but » est de créer une occasion d’amélioration de l’écosystème des start-up pour les entrepreneurs de la diaspora et des start-ups arméniens. Il convient de noter que le programme se tiendra au Collège UWC Dilijan, en Arménie, du 16 au 21 décembre 2018. La date limite de candidature est le 13 septembre 2018. Pour candidater il faut visiter le site officiel du projet http://neruzh.am/.
Info Arménie: Le nouveau gouvernement a annoncé que le rapatriement jouera un rôle important pour le nouveau gouvernement arménien. Quels mécanismes spécifiques voyez-vous dans l’organisation du rapatriement? Pensez-vous que cela devrait être spontané, contrôlé, massif ou ciblé? Comment l’État soutient-il le processus et quelles mesures la Diaspora devrait-elle entreprendre pour réaliser son rêve?
Mkhitar Hayrapetyan:
Vous avez eu raison de souligner que la priorité du gouvernement est de promouvoir le processus de rapatriement. En disant cela, nous entendons aussi le rapatriement du potentiel intellectuel. Tenant compte de la nécessité de l’implication du potentiel professionnel pan-arménien dans le gouvernement de la République d’Arménie, le Ministère de la Diaspora regroupe des informations concernant des spécialistes de différents domaines.
Dans un proche avenir, la liste ci-dessus sera publiée.
Cependant, je trouve important de souligner qu’il existe un autre problème lié à l’implication de la diaspora dans ce contexte. Aujourd’hui, des lois distinctes de la République d’Arménie (Service public, Fonction publique et autres lois) entravent en fait une large participation de la diaspora au système d’administration publique. Notre objectif est de trouver les options optimales et alternatives pour résoudre le problème.
En ce qui concerne l’organisation du rapatriement de masse, nous réfléchissons aujourd’hui sérieusement à la nécessité d’une agence de rapatriement et au sujet de pouvoir mettre à l’ordre du jour le projet de loi sur le rapatriement. Tout cela, bien sûr, est encore au stade crucial de discussion. Je répète encore et encore, il y a une diaspora aujourd’hui et et il y en aura un demain.
Info Arménie: Monsieur le Ministre, comment la diaspora peut-elle contribuer à la fortification de l’Arménie non seulement sous la forme d’une aide humanitaire, mais aussi pour assurer des progrès durables?
Mkhitar Hayrapetyan:
Comme je l’ai déjà mentionné, notre tâche consiste à assurer le développement et le progrès à long terme. L’Arménie et la diaspora, permettez-moi de le dire, forment un corps, sont interconnectés avec beaucoup de nerfs et de veines. Le progrès suggère des efforts conjoints et des rêves partagés. C’est pourquoi nous devons unir notre potentiel, rester arménien où que nous soyons, pour garder l’Arménie dans nos esprits. La formule est très simple.
Propos recueillis par Naré Tadevosyan de Info Arménie
Traduction en français depuis l’arménien par Julietta Manvelyan