Le 3,4,5 novembre aura lieu de l’inauguration et du festival d’orgue à l’église Saint Nchan à Gyumri en Arménie .
La grande cantatrice Hasmik Papian, soliste de l’opéra de Vienne viendra spécialement à cette occasion pour chanter avec l’orgue de Gumri.
L’église qui abrite désormais l’orgue avait été entièrement restaurée après sa destruction, et c’est le bouquet final qu’attendaient les habitants de Gumri avec l’installation de cet orgue alsacien restauré dans les ateliers de Plaisance.
« A Gumri, ville réputée pour sa vie culturelle, ses artistes et ses artisans, fut donnée la première représentation d’un opéra en Arménie. Cette ville possédait une cathédrale magnifique, Saint Sauveur et la célèbre maison d’orgue allemande Walker avait prévu d’y installer un orgue de grande valeur.
Gumri, ville meurtrie, bouleversée, ravagée, a dû faire face à des urgences vitales. Aidés par les efforts sans relâche des survivants et par nos frères occidentaux nous avons reconstruit nos maisons, nos hôpitaux, nos écoles. Les plaies physiques ont été pansées, les membres amputés appareillés, les morts ont été enterrés et les familles ont pu pleurer leurs disparus.
Mais l’âme de Gumri n’a pas été guérie.
Alors que l’Arménie sort de l’impasse et que les blessures liées au séisme sont relativement cicatrisées, il reste une plaie dans le cœur de Gumri, c’est la cathédrale à moitié détruite et son orgue qui n’a jamais été installé. Cet orgue imaginaire est toujours présent dans mon esprit.
En 1988 avant le tremblement de terre, le ministère de la culture de l’ex-URSS avait décidé de m’envoyer dans une des meilleures écoles d’orgue européennes, sous réserve d’être admise au concours dans la classe de la célèbre organiste Marie Claire Alain. Après mon perfectionnement je devais revenir à Gumri tenir l’orgue de la cathédrale installé entre-temps. Mais le destin en a décidé autrement.
La cathédrale a été détruite, l’orgue n’a pas été installé et mon départ pour la France a été reporté de 2 ans suite à la disparition de 13 membres de ma famille.
Ce n’est que 2 ans plus tard que j’ai pu rejoindre le célèbre établissement de Rueil Malmaison où j’ai étudié pendant 3 ans et obtenu les plus hautes distinctions : le diplôme de virtuosité.
Depuis, je vis en France et je garde en moi cet engagement moral et cette promesse faite à ma ville natale d’installer un orgue à Gumri.
Entre temps, j’ai donné plusieurs concerts à Gumri dans une petite église avec un orgue très modeste. Les auditeurs toujours plus nombreux m’ont témoigné de leur intérêt pour cet instrument. Leur présence et leur constance n’ont jamais failli. L’église, trop petite pour les recevoir tous, devait organiser des retransmissions pour les auditeurs restés sur la place.
Leur rassemblement autour de ce petit instrument et leur enthousiasme d’accueillir, aujourd’hui, un orgue à l’église Sourb-Nshan me prouvent que cet instrument ne sera pas un luxe mais une nécessité. Ils ont à cet effet créé une association arménienne « les Amis de Gumri ».
Mes concitoyens restent extrêmement sensibles à la musique et particulièrement à l’orgue. Cet instrument est l’un des moyens d’atteindre le psychisme presque hermétique des rescapés et peut être considéré comme un soin. Il favorise la guérison de l’être par le son. C’est, là aussi, mon expérience d’organiste et de survivante.
Cet orgue favorisera le développement d’une activité artistique musicale intense par la venue d’orchestres et de musiciens internationaux, l’organisation de master-classes, la création de chœurs et la formation des jeunes enfants. Il est prouvé que la présence d’un orgue de valeur est un facteur de rayonnement et de développement dans une ville ( Paris intra-muros compte environ 300 orgues). Ce sera ranimer cette ville où la vie de l’esprit tarde à renaître » a dit Nariné Simonian, une pianiste concertiste et organiste.